La promotion jean-françois rabaud prend son envol
Bonjour et bonne année à tous !
Merci, Madame la directrice, Monsieur le directeur, de m’offrir l’honneur et le bonheur de parrainer la promotion 2025 du lycée. C’est avec beaucoup d’émotion et d’humilité que j’essaierais d’être digne de cette responsabilité. Merci aussi pour vos paroles de présentation.
Quarante-cinq années de vie à Tivoli, c’est beaucoup !
Sept années d’élève-interne dans la période d’avant 1968, époque quasi médiévale, trente-huit années comme professeur de français, passionné par le théâtre, passion vécue comme un moyen éducatif pour le développement des élèves. Merci de me permettre de retrouver ces lycéennes et lycéens, même s’il faut assumer une soixantaine d’années de plus, un long parcours de vie, duquel je tirerai quelques réflexions que je souhaite utiles pour vous.
Tout d’abord, un peu de Victor HUGO : « Toute idée humaine ou divine
Qui prend le passé pour racine
A pour feuillage l’avenir. »
On apprécie, dans ces trois vers, la métaphore de l’arbre, représentant « toute idée » à la place du tronc, entre racine et feuillage. Au présent, on imagine que cette idée puisse être votre projet pour demain, illustrée donc par une image rassurante, forte, verticale,
DEBOUT, nourrie par les racines du passé et projetée vers les feuillages de l’avenir ! Interrogeons alors ces notions entre lesquelles mûrit votre projet : L’image des « racines » évoque un PASSÉ à la fois intime et collectif. Ce passé commence par une naissance, fruit d’un acte d’amour. Puis la mémoire s’éveille dans « le cercle de famille » et s’enrichit avec les années : le jardin d’enfants, l’école, le collège, le lycée, les vacances, les amis ; Le passé c’est aussi une culture acquise en tant de rencontres et d’opportunités, autant de terreaux fertiles où se nouent vos racines pour créer la complexité et l’unicité de votre propre arborescence.
Qu’avez-vous distillé de votre passé qui sera fertile dans les feuillages de votre avenir ?
Pour ouvrir l’imagination vers cet « AVENIR », une autre métaphore, celle de la conception d’un spectacle de théâtre, le « Spectacle de votre Avenir » depuis son écriture jusqu’à sa représentation :
Vous êtes auteur de ce spectacle, metteur en scène et finalement acteur.
Si vous n’avez pas tous les talents, les rencontres de la vie permettront de concevoir en ÉQUIPE ce qui sera humainement plus enrichissant ; mais vous n’échapperez pas à votre destinée d’acteur, vous serez le rôle principal du « Spectacle de votre Avenir » !
Et l’écriture de la pièce commence dès maintenant, inspirée par quelques problèmes
Incontournables :
Tout d’abord les vôtres, en se rappelant de l’ironie de RIMBAUD, « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans ! » (comprendre : on est très sérieux).
Ensuite et surtout, en considérant les blessures de notre bonne vieille terre, qui, malade des inconséquences humaines, commence à se manifester.
Considérant aussi les conflits qui divisent le monde, comme pour exsuder le mal humain, ainsi que les clivages qui se révèlent aussi durement à l’intérieur des nations.
Considérant enfin l’homme se prosternant devant le dieu « argent » et se divertissant de ces problèmes dans un consumérisme sans frein.
L’acte I de la pièce que vous écrivez baigne dans une atmosphère grisâtre où tous leséléments d’une crise semblent entremêlés ?
Il est difficile pour nos générations de vous dire d’intégrer ce que nous n’avons pas suffisamment prévu, hélas !
Et pourtant, il suffit de regarder vos visages, pour comprendre que vous êtes prêts à bien soutenir le rôle qui sera le vôtre et à dénouer ce monde.
Vous agirez dans les sciences, le droit, la santé, l’enseignement, la nature, les arts, l’agriculture, l’océanographie, la politique, le commerce, peu importe la voie, vous ferez évoluer ce monde par votre ENGAGEMENT parce que les racines de votre passé nourrissent ce « noble désir », une expression de RABELAIS, auteur de la Renaissance.
Au premier rang de ces acquis, la BIENVEILLANCE, une confiance reçue des parents et des éducateurs, un regard positif et espérant, qui vous a construits et que vous portez maintenant sur les autres.
La bienveillance n’est pas une facilité : elle s’intéresse à la différence, à la « raison de l’autre », disait MONTAIGNE, et n’en fait pas un obstacle relationnel.
Il est facile d’être bienveillant avec ceux qui nous ressemblent : On est d’accord, comme devant un miroir, et on tourne en rond ! Mieux vaut s’ouvrir à celui qui pense différemment qu’à celui qui pense comme soi.
« Je ne pense pas comme vous, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez penser différemment de moi ! », une belle définition signée VOLTAIRE !
Cette bienveillance naturelle est une perception sensible qui passe par les cinq sens, la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat, le goût même, seront les APPLICATIONS de cette quête du positif chez l’autre et en vous-même.
Le metteur en scène tirera PROFIT de toutes ces sensations pour éclairer et adoucir les relations entre les personnages.
Et d’autres gestes d’esprit peuvent encore faciliter le jeu des acteurs :
On peut jouer de diverses manières le personnage principal ; le rapport social peut être vertical ou pyramidal, ou parfois circulaire, avec Moi au centre du cercle, évidemment ; mais on peut imaginer de passer de cet égocentrisme au DÉCENTREMENT en se plaçant sur la circonférence, permettant à un autre de gagner le centre, dans un mouvement de permutation pour ménager l’égalité des responsabilités et des chances…
(Qu’est-ce qu’un acteur qui joue bien ? Sinon celui qui fait bien jouer l’autre ?)
Bienveillance appliquée aux cinq sens, décentrement ; telles sont les sèves qui donnent son caractère au PROJET ÉDUCATIF de Tivoli, et qui ont donné une forme à vos comportements…
Beaux gestes d’esprit et de coeur qui favorisent toujours la place de l’AUTRE dans le scénario du spectacle de votre vie, où la grisaille du début connaîtra une évolution vers plus de lumière…
Enfin, entre les actes de chaque pièce, le théâtre permet des entractes, des pauses dans la pénombre des coulisses (sorte de caverne où se découpent en ombres les lumières de la scène), temps de solitude, de méditation et de silence, pour considérer, pour relire ce qui aura été joué, accompli.
C’est peut-être ce que le théâtre peut apprendre de plus constructif : Ce temps de dissociation lucide, de discernement, entre le personnage et la conscience, entre le paraître et l’être.
MONTAIGNE qui avait été maire de Bordeaux disait de lui-même : « Le maire et Montaigne sont deux, il faut chercher l’homme sous la chemise ! ».
Ainsi en coulisses, dans un temps de RELECTURE, toutes les questions peuvent être posées en sa propre conscience, « Pourquoi ai-je pris telle décision, pourquoi n’ai-je pas agi autrement ? ».
Toutes les questions pour nourrir l’avenir de réponses approfondies…
Toutes, jusqu’à la dernière, LA QUESTION, qui restera sans réponse de la raison, celle qui ouvre sur le grand mystère humain et qui donne du sens à tout engagement…
Chères filleules, chers filleuls, ayez confiance !
Vous cueillerez de beaux fruits dans les vergers de votre futur…
Surtout, ne soyez pas pressés, cueillez chaque jour comme un cadeau !
Avec, pour finir, deux vers de Paul VALÉRY, un immense poète :
« Patience, patience, patience dans l’azur,
Chaque atome de silence est la chance d’un fruit mûr… »
Discours de Jean-François RABAUD
Saint-Joseph de Tivoli est un établissement scolaire sous tutelle jésuite.
De la maternelle au Bac +5, Saint-Joseph de Tivoli est un établissement jésuite au service de chaque élève, pour conjuguer un haut niveau d’exigence dans le travail, une ouverture au monde et le développement de toutes les dimensions de la personne humaine.